Homo globalis, l’ego à vif

peur-insignifiance Quelle est votre côte à la « Bourse globale du Moi » ? À l’heure où chacun souhaite avoir son quart d’heure warholien, rien de tel qu’un shot de « just do it », « yes we can » ou d’« impossible is nothing » pour rebooster son estime personnelle. Un antidote bien trompeur. Jamais le champ de nos possibles n’a été si vaste, jamais nous n’avons eu accès à autant d’informations, et pourtant, jamais l’être humain ne s’est senti aussi déprimé, comme écrasé par sa propre platitude. Seul et anonyme parmi 7 milliards d’autres. C’est le constat anxiogène que le psychanalyste Carlo Strenger dresse dans son essai incisif La peur de l’insignifiance nous rend fous, décortiquant minutieusement cet empressement d’« apparaître pour être », écho du « désir d’être aimé, si profondément ancré dans la nature humaine ». Un vide existentiel – parfois abyssal – que les nouvelles technologies n’ont fait qu’amplifier, le facteur « d’impact » mondial renforçant l’urgence de devoir devenir quelqu’un d’« important », voire d’« immortel ».

© Emmanuelle (Histoires de voir)

Rejet essentiel de la mort de l’individu au groupe ; personne ne veut finir aux oubliettes, ni dans la rubrique des chiens écrasés, quitte à marchandiser la valeur humaine à hauteur du nombre de likes et de réseautages d’influence. Si l’illusion du « just do it » rend les échecs d’autant plus inacceptables, c’est parce qu’elle fait fi des limites inhérentes à tout individu, alimentant le mal-être et les culpabilités mortifères. Plutôt que de contempler la défaite d’une civilisation à la limite du burn-out avec « la jubilation du philosophe pessimiste », Carlo Strenger invite Homo globalis à se penser en citoyen universel, conscient de sa finitude mais bien décidé à ne pas se résigner. Tour de force propre au psychanalyste, il parvient à trouver les mots justes pour nous parler de nous-même à travers le devenir de la société toute entière. Une réconciliation authentique pour ceux qui cherchent encore leur place en ce monde.

55 réflexions sur « Homo globalis, l’ego à vif »

  1. La vie est déjà bien compliquée alors pourquoi ne pas faire les choses pour soi même parce qu’on a vraiment envie de les faire et non pas pour plaire à certaines personnes ou pour le qu’en dira-t-on..

  2. Hum Hum, ton article touche une corde sensible chez moi… Le blog, Instagram, ca commence comme quelque chose que l’on fait pour soi puis sans crier gare, on commence à se demander si nous aussi allons connaître cette petite célébrité qui ont fait monter d’autres personnes.

    Fait-on encore aujourd’hui, quand on est actif sur les réseaux sociaux, des choses pour soi ?
    Aïe, le constat peut faire mal !

  3. Une personne sans égo, ça existe ? Si oui, qu’on me la présente 😉
    Maintenant, le plus important est de faire les choses pour soi et non pour atteindre une certaine notoriété, rien de tel pour épargner ce fameux égo des déceptions !

  4. C’est vrai qu’il faut savoir s’aimer tel que l’on est, et non pas tel que les autres aimerait que l’on soit. Faire des choses pour soit sans se soucier du regard des autres. C’est bien difficile de faire cela. Pour ma part, je ne pense pas avoir de problème d’ego, au contraire, je m’efface peut être trop et me préoccupe plus de l’intérêt des autres parfois (compliqué de trouver le juste milieu).

  5. Le plus dure cela doit être de trouver le juste milieu, MOI PERSO (;)) JE n’ai pas de problème avec mon ego;
    Non sérieusement je pense que tout le monde à besoin de voir qu’on existe un petit peu pour les autres 🙂

    Bisous bisous

    http://lironsdelle.com

  6. Joli article qui me donne envie de lire ce livre, Polina. On a souvent du mal à s’aimer soi-même. Certains se mettent trop de pression à vouloir répondre aux exigences des autres,et parfois on s’y perd et on ne se reconnaît plus. Cela dit, et bizarrement, ceux qui sont trop surs d’eux sont souvent désagréables à côtoyer. Donc égo, oui, mais pas au point de devenir des Narcisses contemporains.

  7. Bou, quelle lecture ! J’aurais beaucoup de mal ce style de livres en ce moment car je suis beaucoup trop occupée en ce moment à réaliser un projet ( qui flattera bien mon ego s’il marche ! ) Après tout, c’est normal que notre égo soit satisfait de ce que l’on entreprend. On doit avant tout le monde être heureux de notre réussite sans qu’il devienne systématiquement surdimensionné !

  8. Avant de penser à se faire reconnaître par les autres, il faudrait peut-être veiller à se reconnaître soi? Et je ne parle pas là de l’ego mais de sa nature profonde…
    L’ego est un attachement à ce que l’on croit être notre identité, mais la plupart du temps, nous ne sommes pas ce que nous croyons être.

    Avec mon blog je n’ai jamais été obsédée par l’idée d’avoir 10000 abonnés ou likes ou que sais-je. Je sème et le reste ne m’appartient pas. Quelques clampins lisent et cela me suffit.

    Je trouve le sujet du bouquin intéressant, mais j’ai de plus en plus de ma avec la psychanalyse, précisément parce qu’elle entretient ce sentiment très fort d’attachement au moi. Je trouve donc légèrement paradoxal qu’une personne passant sa vie à donner tant d’importance à l’individualité écrive un bouquin pour apprendre à s’en défaire. Je préfère l’un-dividualité.

    Et puis je commence à être agacée par tous ces bouquins de « recettes pour vivre », comme si vivre, être heureux etc, s’apprenait par des techniques… Et qui ne font que reprendre des sagesses ancestrales…

  9. Oui nous sommes tous en plein dans ce sujet… Corrélativement, il y a le besoin de tout consigner, de laisser une trace de tout, on n’a jamais collecté autant de données et dans le même temps on n’a jamais eu autant de perte de données, données effacées, perdues (des photos par ex.). Où va-t-on avec une société sans mémoire et dans la profusion de laquelle il est difficile de faire émerger un sens ? Nous sommes vraiment dans une phase de bouleversement très profond et l’avenir très incertain fait peur…

  10. C’est tellement vrai! ton post me donne envie de lire ce livre. J’aimerai avoir une plume comme la tienne, tu écris si bien 🙂
    Bisous

  11. Article très intéressant et superbement écrit. La société dans laquelle on vit nous pousse davantage à vouloir « se réaliser » qu’à laisser un héritage bénéfique à ceux qui suivront. Sur ce thème, j’aime bien une certaine culture amérindienne où les décisions sont prises en tenant compte de leur impact sur les 7 prochaines générations.

  12. Un livre que je suis en train de lire et qui aborde notamment la question de l’ego : Plaidoyer pour l’altruisme de Matthieu Ricard. Assez scientifique mais tout de même accessible et très intéressant. Au plaisir ! 🙂

      1. Bonjour LaKapsule. Il me semble en effet que c’est son dernier livre. Je n’ai pas lu Plaidoyer pour le bonheur, je ne saurais donc pas vous dire s’ils se ressemblent.

  13. Ah l’égo !! De plus en plus d’actualité dans ce monde moderne et grâce aux nouvelles technologie … Je suis sidérée de certains propos tenus par certains sur Face Book, sur les blogs mais aussi sur les chaines de télé !!! C’est un sujet très à la mode ! Chacun veut être le meilleur et certains en sont persuadés ! J’ai entendu une réflexion qui m’a sidérée « Regardez-moi ! Ai-je la tête de quelqu’un de fini … Je veux laisser une trace » disait Michel Drucker! Ego démesuré ! Lui à coup sûr joue à la bourse global de l’égo ! J’aime bien cette expression ! C’est un exemple parmi tant d’autres ! Soyons humbles ! Nous allons tous finir de la même façon … Comment ? Bravo Polina pour ce billet

  14. C’est un très bon sujet (bon, d’accord, ce sont toujours de bons sujets chez toi). Reformulons-le: c’est un sujet qui me parle beaucoup, cette question de l’ego. Je me suis toujours battu contre: ne pas trop être centrée sur moi, éviter les vagues,…
    J’ai fait du yoga, je me suis intéressée à une spiritualité dont le but est de « tuer » l’ego … et puis, je me suis rendu compte: non!
    Avec le recul, je pense que l’ego, c’est bon.
    Tout dépend de ce qu’on en fait et si c’est bien nous qui le dirigeons et non l’inverse. Et oui, il ne faut pas tomber dans la folie et la course à la reconnaissance vide de sens, c’est sûr. Mais je ne pense pas que ce soit pour autant une folie de nous remettre en route (et par nous, j’entends moi et mon ego).
    Je crois qu’on est juste un peu dépassés par nos nouveaux « super-pouvoirs »: le fait que tout un chacun puisse devenir quelqu’un, c’est très récent. Ça crée donc des turbulences, mais personnellement (suis-je la seule?), je suis convaincue que c’est pour un mieux futur. On explore les extrêmes pour un jour s’épanouir dans le juste milieu.
    Alors, je dis: vive l’ego, mais à notre service! 🙂

  15. vaste sujet! la soif de reconnaissance est complètement dans l’air du temps avec tous les réseaux sociaux et la télé. On le voit bien avec tous les jeunes qui veulent faire de la télé pour faire de la télé alors qu’ils n’ont pas de valeur ajoutée ( cf télé-réalités) et veulent faire du buzz coûte que coûte, à y perdre leur identité et leur valeurs pour être sur les magasines et gagner du fric. Bien dommage, ça ne dure qu’un temps et ils retombent de plus haut, et ne comprennent plus pourquoi les gens les ignorent. Ce qui est encore plus dur pour leur égo qu’ils avaient bien fait gonfler avant!!!! Rester sur sa ligne de conduite qu’on estime juste, ça vient aussi pour certains avec l’âge. Pour ma part je ne suis pas pour l’instant sur les réseaux sociaux, je pollue déjà vos cerveaux avec mon blog, on ne va pas en rajouter une couche sur 3 autres sites! mais bon, sait-on jamais, mon égo va peut-être me dire d’y aller ;))) bonne journée!
    jaivoulutester.over-blog.com

  16. Je pense aussi que les nouvelles technologies et notamment Facebook contribuent à surdimensionner notre ego. En tant que blogueuses ne sommes nous pas attachées à nos statistiques ? Il serait bon de se recentrer sur de vraies valeurs et arrêter de faire croire aux ados que la téléréalité est la vraie vie. Je mets ce livre dans ma liste , merci !

      1. L’Ego c’est notre subjectivité. On regarde le monde à travers lui 99 % de notre temps. Le 1% représente notre éveil au mode tel – qu’il – est. Pour ce maigre résultat on a monopolisé 100 milliards de neurones. Quel gâchis !

  17. Je suis convaincue au 100% que les nouvelles technologies ont amplifier, l’urgence et la necessité de vouloir devenir quelqu’un. À mon avis c’est aussi pour ça qu’il y a beaucoup des frustrations parmi les hommes… en fait c’est pas facile de trouver une place dans ce monde…

  18. C’est le livre que tu as évoqué, Polina et à ta façon d’en parler, j’ai bien envie de le lire. J’aime beaucoup la conclusion : « Carlo Strenger invite Homo globalis à se penser en citoyen universel, conscient de sa finitude mais bien décidé à ne pas se résigner. » Donc, je ne me résigne pas et je cultive l’ego sain, celui d’avoir la juste reconnaissance de sa valeur

  19. Ah l’égoooo, le moi, c’est un peu la lutte avec moi même pour avoir une belle image de moi, depuis toujours, toujours la pour les autres à penser à eux avant moi même, quand d’autres se kiffent au possible et n’en ont rien à foutre de l’autre, j’me demande comment trouver le juste milieu? Eternelle question …

  20. Je pense que l’individu a besoin d’un sorte d’équilibre entre le collectif et l’individuel et que c’est à chacun de définir le curseur. On a jamais autant voulu être unique et on ne l’a jamais autant peu été.

  21. « Il n’y a jamais eu autant de gens talentueux aussi peu connus »… Le savoir accessible a tous, la croyance que tout est possible et des milliers de talents inconnus car noyés dans la masse, pour le pire et le meilleur :<

  22. Je pense que l’on se trompe de valeurs
    Alors que nous pourrions tout avoir, être heureux, l’homme dans cette civilisation est stressé, diminué, agité
    S’aimer tel que l’on est et pas tel que l’on aimerait être
    Accepter et non pas toujours lutter pour autre chose, encore plus, encore mieux
    Pas simple dans notre culture mais déjà en avoir conscience c’est un bon début !!!!

  23. C’est tellement juste. Difficile de ne pas se laisser prendre au jeu, cette course aux likes et autres signes volatiles et superficiels d’une reconnaissance pseudo sociale je l’ai -mal- vécue lorsque j’ai lancé mon blog, moi qui n’avais jamais publié ni écrits ni dessins, je me suis vue après après chaque « article » (je modère) pendue à mon smartphone pour voir si mon article plaisait… je n’aimais pas beaucoup la tournure que tout cela prenait. Demi-tour et on recentre sur l’important, l’essentiel, ce pourquoi je suis là, mes enfants et ma famille. Le reste n’est qu’une parenthèse créative dans une vie que je remplis déjà beaucoup, prendre du recul c’est mieux faire, de manière plus épanouie, prendre du plaisir et c’est tout.
    Je t’embrasse fort et merci pour tes articles, j’adore te lire !
    xx Caroline

  24. Tout dépend du rapport que l’on entretient avec son ego.
    Dans l’une des innombrables versions rapportées, on raconte que Narcisse se noya en voulant embrasser l’image de son reflet dans l’eau. Les nouvelles technologies sont des outils formidables. Le tout est d’être au clair avec ce que l’on en attend.
    Merci pour ce partage Polina !

  25. Paradoxe de la Postmodernité numérisée, où l’ego de chaque sujet est d’autant + fragilisé qu’en proie à une lancinante injonction à l’interaction 😉
    a presto, Antoine

  26. Bof , mon ego n’est pas surdimensionné Polina , parce que la richesse matérielle et mon nombre de followers est l’un de mes derniers soucis : du moment que les personnes que j’aime et apprécient , m’aiment et m’apprécient, tout va très bien dans ma petite tête …

      1. J’ai pas compris ton dernier commentaire, chère Juliette, c’est une question ? 🙂

      2. Oui Polina , c’est une question, je me suis simplement trompée dans la construction du smiley 😦
        j’ai également fait 2 grosses fautes dans mon premier commentaire, si tu remarques …

      3. Rassure toi, mon ego n’en sera pas heurté ;). Plus sérieusement, pour te répondre, je n’ai jamais prétendu ne pas me sentir concernée par les sujets que j’aborde. Bien au contraire, si j’en parle, c’est qu’ils me touchent, qu’ils me concernent directement où qu’il s’agisse d’une tendance que j’observe. J’essaye du mieux que je peux de garder un regard critique et objectif…y compris sur moi-même. Après, si on écrit toujours pour être lu, je ne pense pas avoir un problème d’ego pour autant : écrire reste avant tout un plaisir, bien plus qu’une simple profession, une passion du partage qui ne serait pas la même sans votre précieuse participation, à tous !

      4. oui, on tiens tous des blogs pour qu’ils soient visionnés Polina, ça fait 10 ans que je mène vaille que vaille mon bêtisier, pour essayer d’amuser et m’amuser, mais aussi me délivrer , et si personne ne le commentait plus, je l’abandonnerais et je jouerais au legos 😉
        bonne soirée

  27. Ego, Ego quand il prend toute la place…
    Il y a peu j’ai eu une conversation avec une femme qui s’est retrouvée sdf en moins de deux pour l’amour d’un homme…elle m’a raconté son périple, ce qu’elle a vécu sans rien demander à personne parce que c’était « son affaire » et qu’elle voulait la vivre comme une épreuve.Sans portable et sans argent, elle a dormi plusieurs semaines dans sa voiture….Elle a revu son ego et elle s’est vue elle-même.
    Quand nos valeurs reviennent à l’essentiel, qu’est ce que peut bien représenter notre côte de popularité! La Bourse Globale du moi, quelle notion trompeuse.
    nous devons apprendre que le bonheur ne vient que de nous même et arrêter de croire qu’il nous sera donné par autrui.
    aujourd’hui je suis, demain je ne sais pas…

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