Trois vies dans la peau d’un ex-gangster

« Macintosh ». Méconnu en France, ce pseudonyme suffirait pourtant à glacer le sang de n’importe quel Russe. Mis en lumière en 2010 par le documentaire choc L’honneur des brigands diffusé sur Arte, Leonid Bilunov déballait pour la première fois son passé controversé devant les caméras. Si j’ai eu l’occasion de discuter avec lui par le plus grand des hasards il y a deux ans à Paris, c’est à son livre confession – publié en Russie uniquement – que j’aimerais consacrer ce billet. Trois vies, roman-chronique. Personnage sulfureux mis à part, c’est avec un grand étonnement que j’y découvris une belle plume, dont les tournures de phrases incisives et le verbe haut pimentent à point l’adrénaline du parcours criminel. Élevé dans un orphelinat du KGB, condamné quatre fois avec dix-huit années de prison à son actif, le temps d’une existence ne suffirait pas à porter ce lourd palmarès. C’est pourquoi l’auteur affirme avoir eu un triple vécu. « Chaque vie est un roman, il ne tient qu’à nous de ne pas en faire une vulgaire parodie, une farce. Trois vies, parce qu’en faisant le bilan de mon passé, je n’en vois pas une seule mais trois toutes entières, très différentes les unes des autres. »

Adversité, coups bas et trahisons. Largement exploité en fiction et suscitant bien des fantasmes, l’univers mafieux se savoure autrement lorsqu’il se fonde sur des faits réels, racontés de surcroit par une figure de proue. Plus amers, sans doute resteraient-ils en travers de la gorge de n’importe quel lecteur sain d’esprit, si Bilunov n’avait pas su les saucer avec style, dosant savamment son récit d’humour et de recul calculé. Ne manquant pas de mordant, ses Trois vies se lisent d’une seule traite, cul sec : comme on boit un shot de vodka. De là à démêler le vrai du faux et savoir si la réalité a été arrangée, le genre autobiographique ne laisse d’autre choix au lecteur que de suivre la narration dans un abandon total. Qui n’a jamais rêvé d’être un gangster, le temps de 400 pages … « J’ai des amis fidèles sur qui je peux compter et de puissants ennemis, très, très influents. De quoi peut encore rêver un homme ? » D’avoir encore quelques vies en réserve, juste au cas où.

38 réflexions sur « Trois vies dans la peau d’un ex-gangster »

  1. Tu vends très très bien ce roman et la rencontre avec ce Monsieur a dû être passionnante ! Je me garde en réserve la vidéo du 1er commentaire que je regarderais tranquille ce soir !

  2. J’aime bien ta nouvelle façade. Tu en avais assez de nous tourner le dos ? Face à un gangster de cette trempe, c’est peut-être plus raisonnable.
    😎

  3. les mots ne semblent pas choisis au hasard dans ta description et leurs poids pèsent sur une envie quais irrépressible désormais de dévorer ce roman… ce qui laisse une non russophone sur sa faim…inssassiable de belles lectures 🙂

  4. Je vois que ce livre existe en version anglaise: je vais essayer de mettre la main dessus, car tu donnes envie de le lire. Je ne pense pas en profiter pour me former en malfrat; avec mon accent je me ferait démasquer dès le premier mot.

  5. C’est toujours choquant de voir ces criminels s’installer dans une vie non clandestine et vivre ouvertement et dans l’opulence du fruit de leurs crimes. Ils se présentent même comme des hommes d’affaires légitimes et prospères. Le dicton « Le crime ne paie pas » devrait être revu parce que dans certains cas, il ne s’applique tout simplement pas.

  6. Три жизни : роман-хроника
    Il date un peu : 2007 à ОЛМА-Пресс, Moskva.
    Mais il est vrai qu’il est rare qu’un tel livre soit publié du vivant de son auteur 😉
    Il gagnerait à être traduit en français.
    Faudrait voir si cela serait dans l’intérêt de son auteur qui mène une vie discrète et tranquille en France…
    Une traduction allemande peut-être…avec le titre efficace de « Dreimahl Leben »
    (vivre trois fois).
    С Новым Годом

  7. Prête à le devenir le temps de quelques centaines de pages ! (Bon, il faudra que j’apprenne le russe dans cette vie-là pour commencer! 😉

  8. Tu as la chance d’avoir lu ce livre et je ne parle généralement pas d’un sujet que je ne connais pas. Mais grâce à toi j’en apprends un peu plus.
    Comme tu le dis si bien, après avoir vu ce documentaire je leur souhaite d’avoir d’autres vie en réserve, car si le système de leur enfance devait être un enfer, ils semblent l’avoir troqué contre un autre dans lequel ce sont eux qui ont le pouvoir.
    Toute cette souffrance paraît sans limite.

  9. ET par-delà sa part de réel & de fantasmé On imagine d’emblée à quel point un tel parcours ne saurait se résumer à une adaptation cinématographique* (fatalement) romancée, à quel point sa complexité pourrait se dénaturer en se pliant aux canons d’un formatage aseptisé 🙂 * ce à quoi il semble par essence se prêter !
    a presto, Antoine

    1. Dommage que tu ne sois pas russophone (à moins que je me trompe 😉 !), quelque chose me dit que ce livre te plairait autant qu’à moi…

      1. Mmh alors je t’avouerai que même si mes origines me rapprochent d’un pays pas très éloigné de la Russie ( contrairement à ce que mon pseudo peut laisser supposer ), mes connaissances linguistiques es langue de Dostoïevski flirtent allègrement avec le néant (« sourire un brin honteux » 😉 )

    1. Peut-être, je l’ignore à vrai dire. En tout cas ce serait pas mal, vu l’amour qu’il semble porter à ce pays : « s’il existe un paradis terrestre, c’est bien en France qu’il se trouve. »

      1. Il est gentil ! Si le paradis terrestre se trouve en France, ce n’est certainement pas à Paris, foi de Parisien de naissance !

      1. Merci de l’avoir donné en intégrale.
        Il y a aussi le passage très drôle (et tragique tout à la fois) où ils pêchent – ceux de Vassili je crois, et l’un de ses sbires raconte comment ils pratiquaient le « Toit » (racket) avec les clodos comme exemple…
        Cela fait très « affranchis »….
        Mais je dirais rien à ce propos : ce sont par rapport à Léonid des Vori d’ancienne génération.
        Pas comme le « Petit Japonais » descendu en 2012 à la sortie d’un restaurant et qui avait été envoyé aux USA pour unifier les bratvas sur Little Odessa ( mais le FBI veillait) ou son chef le « Parain (Oncle) Hassan » l’avait envoyé, lui même abbattu à l’entrée d’un restaurant en janvier 2013 suite à une rivalité avec les Géorgiens concernant la distribution des marchés immobiliers de Sotchi. Et après cela on s’étonne que les travaux aient pris du retard….

    1. Il y a quelques passages très émouvants dans ce film !
      Celui des photos des peux de photos qui lui restent par exemple, que je comprend tout particulièrement.. Et où il regarde le journaliste qui lui pose la question ,le regard à la fois triste et non empreint d’un certain reproche : car il a touché un point sensible !
      J’aime aussi le passage où il dit comment il a tué son premier homme à 12 ans, avec une barre de fer chauffée à blanc; un gardien qui le « torturait » : « Je n’avais pas tué un homme ! J’avais tué ma propre peur !

      Après il a eu droit au tatouage qui disait : « Attention pas touche ! Mec dangereux ! C’est là qu’il est vraiment entré dans la bratva des Vori V Zakonié…;-) Dans les prisons désormais les gardiens lui foutaient la paix ou plutôt le respectaient. Rien à voir avec les Pussy Riot qui sont sortie le sourire aux lèvres, comme pour un défilé de mode…!!!
      Elles ont voulu choqué Poutine ! Elles ne se rendent pas compte à quel point elles ont heurté surtout le bas peuple russe , surtout les babouchkas…A ne pas oublier que ce sont surtout les femmes qui sont les authentiques « Héros de l’Union Soviétique. Depuis le travail en usine jusqu’à organiser la nourriture en faisant de longues files ! Et ces jeunes punk inconscientes ( qui n’ont aucun rapport avec les Nazbols -même Limonov les condamne) de blesser au plus profond de leur foi ces mères héroïques (souvent veuves du fait des guerres et de la vodka)

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